Service public. Les agents territoriaux refusent une régression historique
Depuis plusieurs semaines, les fonctionnaires municipaux et métropolitains se mobilisent contre l’allongement de leur temps de travail sans compensation financière. À l’appel de la CGT, nombre d’entre eux ont été à nouveau en grève dans toute la France le 16 mars.
Qu’ils soient bibliothécaire ou agent d’entretien de la voirie, aide à domicile ou assistant social, ils sont près de 2 millions à être concernés par cette disposition de la loi de transformation de la fonction publique. L’harmonisation du temps de travail à 1 607 heures annuelles, qui devra être effective au plus tard au 1er juillet 2022 dans les municipalités et métropoles, et dont les protocoles locaux sont en cours de négociation un peu partout en France, est loin de passer comme une lettre à la poste. De Paris à Toulouse, en passant par Châtellerault, Reims ou Aubagne, la colère des agents monte contre l’application de cette mesure synonyme d’augmentation du temps de travail pour un grand nombre d’entre eux. le 16 mars, la CGT a appelé les fonctionnaires à la grève et à la manifestation dans plusieurs villes de France. Le dernier rapport d’activité sur l’état de la fonction publique estimait à 1 587 le nombre d’heures annuelles travaillées dans les collectivités territoriales, soit une durée hebdomadaire inférieure aux 35 heures légales.
20 jours de congé en moins pour certaines catégories
Un privilège coûteux et infondé du point de vue du gouvernement, un conquis social légitime pour les agents et les syndicats qui se mobilisent depuis plusieurs semaines. « Il y a évidemment la question des métiers pénibles, où les agents ont des ports de charges ou autres contraintes physiques, du travail de nuit, le dimanche ou les jours fériés », explique Natacha Pommet, secrétaire générale de la fédération CGT des services publics. « Mais on oublie souvent que le niveau de productivité qu’on demande aux agents administratifs – qui se retrouvent de plus en plus à occuper un poste et demi, voire deux postes – représente aussi un facteur de pénibilité », précise-t-elle. Au-delà de l’aggravation des conditions de travail que constituerait cette augmentation du temps de travail – qui, d’après la CGT, pourrait aller jusqu’à 20 jours de congé en moins pour certaines catégories –, la syndicaliste rappelle que cette mesure vise pour le gouvernement à supprimer « entre 45 000 et 50 000 emplois ». Pour les agents, dont les grilles de rémunération les plus basses commencent toujours en dessous du Smic, le surcroît de congés dont ils bénéficient jusqu’ici permet en outre de compenser la faiblesse des salaires. « Entre le gel du point d’indice depuis plus de dix ans et l’inflation, les fonctionnaires ont perdu 18 % de pouvoir d’achat depuis le début des années 2000 », souligne Natacha Pommet.
Afin de contrecarrer cette régression historique pour les fonctionnaires, certains élus ont décidé de résister aux injonctions gouvernementales. C’est le cas de neuf élus communistes du Val-de-Marne, dont les maires de Bonneuil-sur-Marne, Chevilly-Larue, Fontenay-sous-Bois, Gentilly, Ivry-sur-Seine, Villejuif et Vitry-sur-Seine, qui ont annoncé fin février qu’ils engageraient avec les organisations syndicales de leurs communes des négociations pour atténuer l’impact de la loi de transformation de la fonction publique. Le 10 mars, l’Association nationale des élu.e.s communistes et républicains a à son tour pris position, disant se tenir « aux côtés des fonctionnaires et des organisations syndicales pour défendre leurs droits et demander l’abrogation de cette loi ». « Les maires ont encore le pouvoir de limiter la casse en ayant recours aux sujétions particulières », explique Karim Lakjâa, représentant CGT à la ville de Reims et au Grand Reims. S’appuyant sur une cartographie des risques physiques et psychosociaux auxquels sont exposés divers métiers de la fonction publique territoriale, son syndicat a remis aux collectivités un projet de 68 pages justifiant l’attribution de jours de congé supplémentaires au titre de ces fameuses « sujétions particulières », qui restent à discrétion des maires.